Depuis 2023 Le Bureau des guides du GR2013, le GIPREB, les universités de Montpellier et de Nîmes ainsi que l’IECP se sont associés pour mener une recherche action autour de la place du plastique dans l’étang de Berre.
Avec une recherche scientifique sur les microplastiques dans l’eau et les plages incluant un protocole de sciences participatives, une recherche sociologique et des recherches artistiques, la Laboratoire Plastique de Pamparigouste prolonge une expérience originale menée depuis 2019 autour de l’émergence d’un récit collectif de la résilience de l’étang.
Pour la dernière année du programme, le Laboratoire Plastique accueillera en résidence l’écrivaine Fanny Taillandier.
Autrice de romans basés sur des enquêtes territoriales (notamment DELTA, qui explore le delta du Rhône entre Camargue et zone industrialo-portuaire), elle sera invitée à plonger dans les récits de l’étang de Berre collectés au fil des divers voyages de Pamparigouste.
Résidence portée par le Bureau des guides dans le cadre du Laboratoire Plastique de Pamparigouste, en partenariat avec la Marelle et l’association PCPI.
Le laboratoire plastique est une recherche-action co-portée avec également le GIPREB, le laboratoire de Chrome de l’Université de Nîmes, L’institut écocitoyen pour la connaissance des pollutions, l’INRAE Montpellier, en partenariat avec les communes, les associations et les bases nautiques riveraines.
Le fait de revenir à la même période un an après, d’avoir une familiarité avec le lieu, a permis de reprendre les recherches et de les approfondir, de les affiner. Toutes les pratiques avancent de concert, se font échos, travaillent ensemble. Quelque chose se dessine toujours en lien avec ce qu’est la lumière et comment le Tétrodon, boîte aux ouvertures multiples, provoque et augmente le paysage duquel il fait partie, révélant sa nature d’objet qui articule plusieurs champs, en plus d’être une structure architecturale remarquable. »
Durant ces huit jours il a été suivi plusieurs fils. 1 ) Avancée de la transformation du Tétrodon en camera obscura (qui avait commencé avec Viser en octobre 2023) : multiplication des orifices, jeu entre les orifices de la structure même et ceux ouverts dans les surfaces occultantes. 2) Images et vidéos des projections créées par ces orifices, soit sur surface mobile, soit sur les parois du Tétrodon même. 3) Continuation de la série « bouteille et lego » sur la terrasse en bois le matin sous forme de triptyques quotidien (Polaroïds). 4) Exploration des images prises à travers des filtres en verre (iphone et Polaroïds). 5) Travail de prise de vues en pola noir et blanc d’éléments agencés avec la structure du Tétrodon en extérieur. 5) Écriture d’un texte sur machine à écrire, en lien avec les phénomènes perçus tout le long de la semaine. 6) Travail sur le son avec la transmission en direct par streaming, de manière aléatoire dans la semaine (sons extérieurs et intérieurs au Tétrodon), avec un moment de performance / lecture le dimanche 27 durant une heure.
1) camera obscura1) camera obscura
2) structure et images et images et vidéos des projections créées par ces orifices, soit sur surface mobile, soit sur les parois du Tétrodon même.
VISER Le Tétrodon, module à destination de logement ouvrier se déplace, se transforme, fait peau neuve. Entre prototype et lieu d’expérimentation, la bascule s’opère. VISER propose de faire du Tétrodon un appareil à vues, une machine optique, une lunette de visée, une camera obscura, un sténopé échelle 1/1. À partir du module, de son espace intérieur, comment projeter le regard vers l’extérieur et inviter le paysage à l’intérieur. Qu’est-ce qui se joue à l’endroit même des ouvertures, avec le jeu et de déplacement des ombres et lumières, les projections, les reflets… Une tension de surface, une membrane fait filtre, tamis, entre l’espace intérieur et l’espace extérieur : le paysage rentre, le regard sort. Autant de cadrages à inventer dans le mouvement du corps. Chaque espace, et partant chaque moment, chaque durée, peut devenir poste d’observation, de guet, d’affût, de lenteur. Être dedans et regarder le dehors à partir de l’espace intérieur du Tétrodon. Viser. Aussi, faire du module Tétrodon un point central, un axe, un moyeu, un pivot autour et à partir duquel circuler, explorer, tirer des lignes, parcourir les chemins possible, l’avoir toujours à vue, pour en faire apparaître le bassin versant. Le Tétrodon, un thalweg ? Ces deux mouvement, en apparence opposés et symétriques, risquent, en faisant du Tétrodon leur cheville ouvrière, de renverser le paysage.
Atelier : repérage du BV (bassin versant). Milieu du temps de résidence. Restitution : traverser le Tétrodon. Dernier jour de résidence. Traces : un carnet des fenêtres. Une semaine après la résidence.
Esther SALMONA est poétrice. Elle écrit sur ce que fait la perception au langage et à l’écriture. En avançant à partir du visage, de la voix, du corps, du paysage, des images, de leurs écarts, leurs silences ; à partir d’un je qui n’en est pas un, se déplaçant sans cesse : ajustements, focales, flous, précision, plans successifs, traversées par la bande. Parmi ses outils, filtres, leviers : la transduction, l’évidance1, la spectroralité2. Ses activités, ateliers, pratiques sonores et d’image, publications en revue papier et numériques 3, dans des ouvrages collectifs et de livres (Quads, les éditions précipitées 2012, Amenées, Éric Pesty éditeur, 2017) témoignent de cette recherche. Elle enseigne à l’École Nationale Supérieure de Paysage de Versailles depuis 2007 et organise des ateliers d’écriture en déplacement, dans des cadres et avec des publics hétérogènes.
1 https://remue.net/Esther-Salmona-evidance 2 https://spectroralites.blogspot.com 3 RoTor, KaZak, Revue Laura, D’ici là, Les cahiers de Benjy, Fond Commun, CCP, 17 secondes, fig., SILLO, Ce qui secret, PLI, l’Air Nu, Teste, Muscle, Chimères, C.O.I., Nioques…
Projet en cours : PZ, station mobile d’écriture d’écoute, avec Acoustic Commons et Locus Sonus.
Des mots et des sons, émission de juin 2021 sur Fréquence Mistral. Article de Céline Minard sur Amenées dans Le Monde des Livres, novembre 2017.
Résidence du 6 au 18 octobre Travail préparatoire : octobre 2024 / Résidence de création : avril 2025
Tétrodon
BRIGITTE PALAGGI, photographe Depuis une vingtaine d’années, mon travail s’est recentré sur une approche photographique du et des paysage(s), quelles que soient leur définition ou leur nature ; et notamment ceux d’Italie, des Alpes, des Ardennes, du Cantal ou du plateau de Millevaches, pour ne citer que quelques chantiers récents ; avec une prédilection pour les paysages naturels, sans pour autant négliger ceux urbains, semi-urbains ou intermédiaires, et, par exemple, les paysages vivaces et contrastés de ma région d’adoption. En effet, résidant dans les Bouches-du-Rhône, j’ai investi, par exemple, depuis mon arrivée ici dans les années quatre-vingts, ceux de Marseille, Martigues, Arles, Port-Saint-Louis-du-Rhône, Fos-sur-Mer, Port-de-Bouc, et, bien sûr, le chenal de Caronte, l’étang de Berre et La Crau ; les arpentant et les parcourant plus souvent qu’à mon tour. J’y observe, d’année en année, la façon dont achoppent ou voisinent, situation géographique et pans de nature résiduelle, avec l’emprise impérieuse des activités industrielles et humaines. Cette confrontation produit parfois de l’inouï, de troublants hiatus et des paradoxes de toute beauté, qu’il faut savoir saisir, jusque dans leur essence lacunaire et souvent éphémère. Sans doute, est-ce encore plus flagrant en ce qui concerne ces territoires qui portent depuis longtemps, en eux, les traces et stigmates de plusieurs industrialisations et mutations successives, venant frotter sur une garrigue, un arrière-plan collinaire, un damier de salins ou sur la respiration spatiale indéniable d’un chenal, d’un étang comme celui de Berre ou d’une façade maritime. Cette confrontation influe, de facto, et à la longue, sur notre imaginaire et sur notre façon de voir et de photographier ; participant dès lors de notre manière de ressentir, de prendre part et d’expérimenter.
Martigues
OLIVIER DOMERG, écrivain &, poésagiste BERRE AUX PETITS PIEDS (poursuite & approfondissements) Rien ne s’écrit sans préalable. Il faut être sur place, passer du temps, se fondre dans l’espace, aller et venir, prendre des notes, enquêter, accepter de ne rien comprendre parfois, aller et venir souvent, accepter aussi de ne rien savoir, d’être vierge de tout savoir quant aux lieux et aux choses, de s’en remettre totalement à cette ignorance qui est le point de départ le plus sûr, pour voir les choses comme pour la première fois, comme une succession de premières fois, et porter sur elles un oeil neuf. Rien ne s’écrit sans désaxements, sans égarements et sans surprises ; mais aussi, sans observations renouvelées, sans saisies scrupuleuses, sans longues immersions et lentes contemplations. Pas d’autre méthode qu’arpenter un lieu, un territoire ou les pourtours d’un étang, en tout sens, qu’engranger des sensations et des situations, que creuser la question tant et tant, que prendre date. Pas d’autre méthode qu’écrire les choses à leur contact, face à elles ou devant elles, ou encore, en leur sein. Pas d’autre solution qu’être dans un lieu pour écrire (sur) ce lieu ; qu’être dans le paysage pour écrire le paysage ; c’est-à-dire, qu’être traversé par eux, nourri et agi par eux. Cette résidence de création au Tétrodon me permettra d’approfondir un travail d’écriture sur un sujet très sensible, l’étang de Berre, pour lequel j’ai déjà écrit un premier texte (Berre aux petits pieds) ; sorte de premier chapitre d’un livre à venir, dont, profitant au mieux de la situation du Tétrodon, au bord de l’étang, et du temps et des moyens que nous octroie toute résidence, je pourrais en poursuivre l’écriture
“Éphémérosphères” sont des mondes sonores que nous ne pouvons pas voir ou entendre facilement sans médiation, et pourtant, c’est vital de comprendre ces sphères, car ils nous rappellent qu’il y a tellement de choses au-delà de nos sens.
Il est courant de qualifier l’enregistrement des sons naturels de « capture d’un son ». Écouter des éphémérosphères nous rappelle que nous ne capturons rien : dire « capturer » n’est que l’habitude du langage extractif, possessif et colonisateur. Vous ne faites pas sortir le son de l’air lorsqu’il passe. Ce que nous faisons lorsque nous enregistrons du son s’apparente davantage à un acte d’écriture.
Pensez aux limites poreuses de nos sens : les limites réelles de l’audition humaine diffèrent d’une personne à l’autre. Quelque chose que vous ne pouvez pas entendre ne disparaît pas parce qu’il n’est pas entendu par un humain. Il est plus important que jamais de prêter attention aux éphémérosphères, telles que l’activité de recherche d’écholocation des chauves-souris, car le monde naturel est plus que jamais confronté à la pression d’un monde humain toujours plus enclin à la violence et au gaspillage. Mike Bullock nov. 2024.
Autoportrait de Mike Bullock durant sa résidence au Tétrodon en 2024
Écouter l’étonnante composition de Mike Bullock , issue de sa résidence. Composition créée à partir de cet objet étrange qu’est la fonction sonore des chauves souris lors de leur déplacement dans l’espace.
Listen to Mike Bullock’s amazing composition from his residency. Composition created from this strange object that is the sound function of bats as they move through space.
Olivier DOMERG & Brigitte PALAGGI, écrivain poète. Photographe (Martigues). ‘BERRE AUX PETITS PIEDS’ Étang de Berre : resserrer la focale paysagère Sur O.DOMERG Sur B.PALAGGI et O.DOMERG
Nicolas MÉMAIN Projet : Écriture d’une opérette dans le Tétrodon (suite de 2021) Résidence : Tétrodon (Martigues) Nicolas MÉMAIN, marcheur, et montreur d’ours en béton. (Marseille)
Sibylle DUBOC Projet : “Les fossiles pétro-chimiques du site d’Étang de Berre une archéologie à rebours” Résidence : Tétrodon (Martigues) Sibylle DUBOC photographe plasticienne. (Marseille)
Nina ALMBERG Projet : Écriture d’une histoire Résidence : La MARELLE + Tétrodon (Martigues) Nina ALMBERG, autrice. (Bretagne)
Par ce projet d’écriture, Nina Almberg retrace un épisode de l’histoire de Mario Marret. Militant anarchiste, résistant, explorateur, engagé dans tous les combats de son époque, qui décide de construire, chez lui, à Rustrel, le bateau de la liberté.
Aurore SALOMON Projet : Paysages, le jour et la nuit, sur les bords de l’Étang de Berre et dans le Tétrodon Résidence : Tétrodon (Martigues) Aurore SALOMON artiste plasticienne, peintre. (Le Monêtier les Bains)
Stefan EICHHORN Projet : Démarrage d’une étude sur une couverture / protection ombrière du Tétrodon Résidence : Tétrodon (Martigues) Stefan EICHHORN artiste plasticien. (Marseille)
Nicolas MÉMAIN Projet : Écriture d’une opérette dans le Tétrodon Résidence : Tétrodon (Martigues) Nicolas MÉMAIN, marcheur, et montreur d’ours en béton. (Marseille)
Écriture d’une opérette chanté par l’artiste lors d’une promenade autour du Tétrodon avec le public. L’artiste conçoit cette opérette à partir des différents éléments et détails de la vie quotidienne vécu dans le Tétrodon et aux alentours de celui-ci. Lire ici
Jeff SILVA Projet : Écriture d’un projet de film Résidence : Tétrodon (Martigues) Jeff SILVA, artiste plasticien. (Marseille)
Écriture d’un projet de film sur la mémoire sensorielle des habitants de Martigues et de la ZIF. Cette première résidence va permettre à l’artiste de solliciter une une seconde résidence de réalisation en 2022.
Stefan EICHHORN Projet : Comment bien dormir dans le Tétrodon Résidence : Tétrodon (Martigues) Stefan EICHHORN artiste plasticien. (Marseille)
Stefan Eichhorn projette l’agrandissement de l’aménagement intérieur, par une création/extension des couchettes. Il va expérimenter dans l’esprit de l’architecte Annie Tribel, en respectant la simplicité originelle de l’intérieur du Tétrodon et tout en s’inspirant de l’architecture de science-fiction fictive. Les interventions consisteront principalement en tissu et en mousse.
MAI – DECEMBRE (Cycle ‘Du marais à l’acier…et après?)
Patrycja PLICH, Souad MANI, Romain PAPION, Christophe GALATRY, Philippe AUTRIC Projet : Plastigo Résidences : Ville de Martigues
Thème : Sur la question des sols en rapport à l’Anthropocène. Programme de recherche artistique sur deux années développé par quatre artistes dont deux artistes étrangères invitées par l’association par ce passage, infranchi en résidence dans le Tétrodon.
Christopher Alexander KOSTRITSKY GELLERT Résidence 20 au 28 avril 2024
Artiste – plasticienne, performeuse et poète (Marseille) ‘L’adresse poétique : êtres-humains – êtres-oiseaux en Méditerranée’
Comment réparer les fantômes qui habitent un territoire, cartographier une mémoire du lieu, honorer son passé, prendre soin de son présent ?.
Pendant ma résidence au Tétrodon à Martigues, j’ai commencé à explorer les relations fragiles entre les êtres-humains et leurs territoires – sur des côtes, dans des marais, en zones fortement industrialisées – où pourtant on entend encore le chant des oiseaux, et où j’étais désarmé.e par leur grâce. Je vous livre ici le résultat de mes impressions.
Le film d’animation est un art total qui sollicite à la fois le cinéma, le son et les bruitages, la sculpture, le dessin, la narration, le temps.
Artiste plasticienne, je suis aussi créatrice de films animés réalisés avec un public populaire. Populaire dans le sens où les stagiaires sont souvent issus de quartiers dit « prioritaire », des « QPV » acronyme qui désigne les quartiers défavorisés. Populaire dans le sens ou je travaille avec une équipe non initiée au cinéma, à l’image animé, à la littérature, aux arts plastiques pour réaliser des films courts (de 3 à 6 minutes) qui font réfléchir et qui donnent la parole à ceux qui les font. Ces objets cinématographiques sont diffusés sur grand écran dans les salles d’arts et d’essais et mis en valeur dans certains festivals, des expositions…. Objets cinématographiques non identifiés, à la lisière entre film d’artiste, cinéma d’art brut, films animés documentaires, films scientifiques animés, ces créations sont toutes le fruit d’un travail collectif original, issue d’une collaboration inédite, de rencontre improbable, d’une émulsion chimique et humaine, sociale et sociologique, artistique et humoristique. Camille Goujon
Résidence 13 au 21 juillet Auteur de bandes dessinées
« Je suis allé comme un naufragé sur les rives de Tholon… on venait de vivre un tsunami, même si il était politique, et je m’imaginait dans un Tétrodon Calypso, entre le commandant Cousteau et temps X, réfugié en résidence peu surveillée.
Comme échoué, venu du monde d’avant…
J’ai contemplé la Sainte Victoire de mes rives de l’Etang changer comme si j’étais Cezanne, (ou Domerg)… et j’ai vu les couleurs changer sans jamais les saisir.
J’ai imaginé le village des fadas qui vivait à côté de moi en ethnologue, comme une tribu qui tentait de se réorganiser après la tempête…
j’ai dessiné, rempli un carnet, comme un carnet ce voyage…
Et oublié durant cette semaine que je n’avais que traversé le canal… et a Jonquière.
Il faut s’en raconter bien des histoires, pour regarder avec un autre oeil ce qu’on ne regarde plus au jour le jour.
Le Tetrodon a été un superbe spot pour regarder le monde autrement…
Avant de le reconstruire,
Voici quelques bout de bulles dessinées »
Carnet des croquis de Yann Madé saisi lors de sa résidence en juillet 2024
Bande dessinée de Yann Madé créée à l’issu de sa résidence au Tétrodon et relatant une histoire qui s’inscrit dans les festivité des Fadas du Monde 2024 sur la base de voile de Martigues
Le travail que j’ai réalisé début juin dans le Tétrodon fait suite à ma recherche de 2023 où j’avais “étudié” le paysage de l’étang dans sa dimension archéo-géologique. Mon travail avait consisté à relever sur les sites archéologiques (Oppidum d’Escourillon, site de Tholon) ce qui constituait la matérialité du paysage. Je souhaitais trouver une manière de le définir sous un prisme hylémorphique, soit dans le rapport que ses matières entretiennent avec ses formes. Les créations qui en ont découlé mélangeaient le naturel avec l’artificiel, l’organique avec le pétrochimique. C’était une exploration du lien entre la géologie et la trace archéologique qui interrogeait la présence ou non de stigmates de l’homme sur le paysage dans sa dimension visible (cyanotypes des complexes industriels) et invisible (microscope), et mettant en exergue des échantillons notamment de pierres de remblai en forme de silex, qui brouillaient les frontière du paysage anthropique, entre présent et passé.
Le résultat était donc une composition d’éléments hétéroclites : il y avait un échantillon (une matière), une microphotographie et un paysage graphique (cyanotype). Ils étaient assemblés pour des rapports plastiques et visuels, dépourvus de rigueur scientifique, mais dont la mise en page les faisaient ressembler à des planches d’étude de naturaliste.
Pour cette nouvelle année, j’ai souhaité poursuivre ma recherche, en partant des résultats de ma résidence précédente, afin de questionner ce que ces représentations de pollution ou de nature font à notre esprit, comment elles façonnent notre imaginaire et déterminent notre rapport à l’espace et au temps.
Cette recherche m’a donc amenée à fabriquer un objet archéologique imaginaire, mais qui dévoile un paysage anthropique réel.
Une carte composite des pipelines d’hydrocarbures des communes autour de l’Étang de Berre.
Chaque tomette est une sculpture qui renvoie à une réalité industrielle, les pipelines sont issus de données urbanistiques réelles, mais leur assemblage crée une nouvelle cartographie imaginaire.
Ces données sont récoltées dans des rapports publiés par les collectivités, notamment le département des Bouches du Rhône et la DREAL (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement), mais aussi par Géosel, société française spécialisée dans le stockage souterrain d’hydrocarbures.
On retrouve comme dans ma résidence précédente le rapport au composite, à savoir des pièces individuelles qui existent à la fois de manière singulière mais aussi en assemblage avec d’autres. Chaque tomette est une commune de l’Étang de Berre à part entière, mais elle peuvent s’assembler pour former une nouvelle cartographie.
Cette pièce cherche à créer un rapport entre le sol et le souterrain. L’idée est d’imaginer un sol qui nous cartographie ce qui se cache sous lui, ce qui est enterré sous sa surface.
Puisque le sol c’est ce sur quoi on marche, c’est une temporalité qui appartient au présent, tandis que le souterrain appartient au passé. Il enfouit les temps antérieurs, particulièrement dans ces terres longtemps occupées par des civilisations aujourd’hui disparues, à savoir les peuples salyens (dits gaulois) puis les romains.
L’archéologie est une science humaine qui part du postulat que ce qui est sous terre contient les vérités du passé, et que les faire ressurgir ainsi par la fouille permet de déterrer l’histoire de nos sociétés humaines.
Là ce ne sont pas des objets archéologiques qui se cachent sous terre, mais les rouages de notre système industriel actuel. Cette démarche permet de renvoyer l’industrialisation de l’Etang de Berre comme étant un objet à analyser scientifiquement sous un prisme archéologique. C’est-à-dire, comme élément qui nous permet d’analyser non pas une civilisation disparue, mais bien notre monde contemporain. C’est en quelque sorte la suggestion d’une archéologie du présent.
La forme de la tomette elle-même renvoie à l’histoire du territoire provençal, sachant que si elle existait déjà dans les intérieurs provençaux bourgeois au XVIIe, c’est l’industrialisation qui a réduit son coût de fabrication, entraînant au XIXe d’essor de la tomette, c’est donc aussi un objet qui est lié à l’histoire de notre société industrielle.
Enfin, le fait de cartographier un réseau souterrain permet de remonter à la surface ce qui est invisible, de faire surgir une nouvelle manière d’appréhender et de penser son territoire. On peut identifier les zones industrielles comme étant très localisées géographiquement (La Mède, les usines du Fos et de Berre l’Etang sont très visibles) lorsqu’elles ne sont que la partie émergée d’un vaste iceberg qui s’étend sous nos pieds sur toutes les communes autour de l’Étang.
Puisque je me suis intéressée au rapport matériel du paysage, puis à son souterrain, sous des prismes qui mélangeaient réalité industrielle et imaginaire composite, j’aimerais que cette recherche puisse trouver une postérité dans l’évolution de son rapport à l’imaginaire collectif. En effet, cette évolution se situerait dans l’approfondissement de la dualité entre la pollution de l’environnement par l’activité industrielle et, disons, la contamination collective de nos esprits imaginatifs, afin d’inventer une archéologique non plus du présent, mais du futur. Donc peut-être quelque chose qui tirerait encore plus les ficelles de la fiction ou de la narration.
Mais ce sera pour une nouvelle aventure, en attendant je vous remercie pour votre écoute attentive, n’hésitez pas à regarder les tomettes de pipelines (qui sont où ?), et je reste disponible si vous avez la moindre question.
Résidence 18 au 29 septembre 2023
“Les fossiles pétro-chimiques du site d’Étang de Berre une archéologie à rebours”
Relevés au microscope de matières de la zone autour du site du Tholon mélangés avec des vues aériennes de la zone de l’Etang de Berre, images finales tirées à l’argentique dans le Tétrodon. Le Tétrodon devient alors le laboratoire d’apparition des images réalisées durant la résidence. Une restitution de ces recherches se propose d’être exposée, constituée d’un mélange de photographies qui mettront en exergue la pollution chimique des eaux et du sol, ainsi que ses répercussions sur l’écosystème local.
Les outils de Sibylle, ordinateur, microscope mobile, cuvette révélateur, pinceau et calques.
Sibylle DUBOC est une artiste plasticienne diplômée en 2018 d’un Master pratique et théorie des arts-plastiques de l’Université ALLSH d’Aix-Marseille. Sa pratique mélange expérimentations photographiques et sculpture, elle travaille sur le lien entre l’image virtuelle, l’archéologie et l’Anthropocène. Elle mène depuis plusieurs années un projet autour des Fossiles photographiques dont la démarche s’appuie sur une fabrication artisanale des images à partir de photographies numériques, nous conduisant à reconsidérer notre rapport au visible et à notre perception spatio-temporelle du monde sensible. Elle a réalisé sa première exposition personnelle à la galerie Catherine Bastide Projects en septembre 2019 et a participé à de nombreuses expositions collectives à Marseille et dans sa métropole.